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Le Chenillou
26 avril 2009

Diversité, dites-vous ?

Colonne_r_publicainePar Jean-Louis Amadei, Renaissance , le 19 avril 2009

« Si aujourd’hui, le Conseil admettait l’existence de quotas en matière de sexe, pourrait-il interdire demain les quotas pour d’autres catégories » disait en 1982 un membre du Conseil Constitutionnel, insistant ensuite « Le Conseil constitutionnel ne peut accepter qu’il existe des quotas à l’intérieur de l’ensemble des citoyens français ».

C’était au moment où une loi, censurée par le dit Conseil, voulait instituer un quota de 25% de femmes aux élections municipales. Qui donc a osé ainsi s’insurger contre les quotas ? Un vil réactionnaire pensera-t-on naturellement, membre d’une majorité confortable lui évitant de se poser la question de la représentation des minorités ? Pas le moins du monde, il s’agit de Gaston Monnerville.

À l’heure où l’o« bamamania » s’est un peu apaisée, on peut sans doute sans trop risquer d’être traité de franchouillard, à travers Gaston Monnerville, à travers ses déclarations, saluer une certaine idée de l’éducation à la française, de l’école de la République, qui peut permettre à chacun de faire valoir ses talents.

Gaston Monnerville avait la peau noire, était né en Guyane, descendant d’esclaves martiniquais.

À l’heure où aux Etats-Unis les noirs ne peuvent pas exercer leur droit de vote, Gaston Monnerville est président du Sénat, deuxième personnage de l’Etat ! S’il n’avait décidé en 1968, jeune encore pour ce poste, de laisser la place, permettant à Alain Poher de présider le Sénat, il aurait été en 1969 Président de la république par interim, il y a quarante ans ! Président de la Haute-Assemblée, il l’était depuis 1947, élu à cinquante ans par ce qui s’appelait alors le Conseil de la République qui se dotait d’un président jeune pour ce poste (le plus jeune de l’histoire de l’institution) et noir ! Voilà de quoi tordre le cou à bien des idées reçues sur le conservatisme de cette assemblée et relativiser l’obligation du recours à une discrimination positive pour accéder aux plus hauts postes !

Il avait aussi été ministre, avant guerre, ce qui déchaînait les passions de certains médias français ou étrangers parlant du « Juif Blum » et du « Noir Monnerville », le temps n’était pas particulièrement à la tolérance dans certains milieux, et pas seulement dans les dictatures européennes de l’époque ! Ajoutons pour troubler ceux qui pensent que notre pays est à la traîne, que dans le gouvernement auquel il appartenait, Gaston Monnerville était chargé des colonies ! On ne peut que faire le lien avec Félix Éboué, autre petit fils d’esclaves, autre Guyanais, gouverneur général de l’AOF peu de temps après. Certes, ce ne sont que deux hommes, ce ne sont que deux cas particuliers, mais ô combien significatifs de la capacité de la France à promouvoir les meilleurs de ses fils.

C’était il y a un demi siècle me direz-vous, certes, et les circonstances ont changé. Mais pourquoi ce qu’alors permettaient nos institutions ne serait-il plus possible ? Pourquoi de nos écoles ne pourrait-il plus sortir un brillant avocat ou un brillant haut fonctionnaire noir tous deux promis aux plus hautes fonctions ? Pourquoi le suffrage universel ne les consacrerait-il plus ?

Sans prendre les exemples du gouvernement actuel où les représentants de la « diversité » remplissent admirablement leur rôle ministériel, peut-on passer sous silence un Roger Bambuk, un Hamlaoui Mekachera, un Kofi Yamgnane, qui eux aussi ont rempli leur rôle éminent qui n’était nullement un rôle de représentation de telle ou telle catégorie.

« Diversité », le grand mot est lancé.

Ce n’est pas au nom de ce concept à la mode que Félix Éboué ou Gaston Monnerville ont accédé aux plus hautes fonctions, pas plus que ce n’est en son nom que Senghor est entré à l’École normale supérieure, pas plus que ce ne fut pour respecter un quota quelconque que Simone Veil fut présidente du Parlement européen, ou Mendès France président du Conseil. Dans les années soixante-dix, un responsable de parti politique préconisa, pour représenter les « minorités » au sein de son parti de faire entrer dans ses instances dirigeantes « une jeune noire », résolvant ainsi d’un coup en terme de représentativité le problème du sexe, de la jeunesse et de la couleur de peau ! Est-ce à cela que l’on veut aboutir ? À avoir le Beur, le Noir, le Juif, l’Asiatique, le handicapé, le natif des banlieues, le Corse, l’homosexuel... dans toute liste, dans tout état major d’entreprise, dans toute école ? Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin, et les Arabes et les Kabyles, et les Noirs d’Afrique centrale et d’Afrique occidentale, et les homosexuels masculins et féminins, et les Juifs séfarades et ashkénazes, ne méritent-ils pas aussi que l’on respecte leur « diversité » ? jusqu’où ira-t-on dans ce découpage de la société ?

C’est en parlant sans cesse de la différence des autres qu’on pousse ces autres à se sentir différents, et du sentiment de différence au sentiment d’exclusion, il n’y a pas si loin. Il ne faut pas que la diversité soit une excuse facile pour ceux qui refusent d’intégrer ceux qui sont différents, ou a contrario pour ceux qui ne veulent pas s’intégrer dans notre société. Le génie de notre société, de notre nation, c’est de rassembler ceux qui sont différents, de les fondre dans une histoire et une culture commune. C’est de cette histoire et de cette culture commune, construites ensemble peu à peu, qu’ont jailli et continueront de jaillir des gens d’exception, de la trempe d’un Monnerville !

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