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Le Chenillou
7 mai 2009

Pas forts mais pas morts

Qu_becPar Raymond Poulin, Vigile , le 7 mai 2009

À lire la tribune de Vigile depuis un sapré bout de temps, on dirait que nous sommes tous paniqués, comme si la nation québécoise allait s’engouffrer dans le fleuve demain matin, fondre avec les glaciers ou suivre la dégringolade des papiers commerciaux adossés à des actifs. Peut-être suis-je un indécrottable naïf ou un jovialiste qui s’ignore, mais je ne connais pas une seule nation, dotée ou pas d’un État, qui disparaisse définitivement sans laisser d’adresse après une gestation de quelques siècles. À moins, bien sûr, d’être proprement occie.

Convenons que, dans la plupart des cas, il s’agit d’un cri d’alarme pour réveiller la fibre nationalitaire endormie, découragée ou tétanisée par deux référendums. Après tout, si nous étions vraiment convaincus de cette disparition imminente appréhendée et désespérés devant un avenir bloqué, nous nous tairions et nous empresserions de tisser notre linceul après avoir rédigé notre testament, léguant notre dépouille aux ottawesques après avoir respiré quelques miasmes de grippe porcine, histoire de les contaminer définitivement et de les rayer aussi de la carte dans une vengeance posthume, ce qui satisferait peut-être leur plus cher désir de blokes, qui fut toujours de se sentir « just a little bit better than the other fellows », en fait un match nul, ce qui vaut toujours mieux que d’avoir perdu seuls. Après tout, on se console comme on peut. Bref, nous pleurons comme des cochons atteints de grippe aviaire : vous savez bien, cette pandémie censée nous avoir tous fait crever voilà à peine un an ou deux, juste après la maladie de la vache folle, où dix mille fois plus de ruminants moururent de l’application du principe de précaution que de l’épidémie annoncée.

C’est vrai, le PQ ressemble de moins en moins à un parti portant le logo « Approuvé Indépendance », QS, PI et autres PRQ en mènent encore moins large, le regroupement des indépendantistes et souverainistes dans un mouvement citoyen non partisan tarde à exister, pendant que la Fédéralie et la horde charestiste grugent la viande quotidiennement autour de l’os québécois voire que le mouton lui-même, dirait-on, se mange la laine sur le dos, contre-exploit remarquable rodé et répété de longtemps.

Pourtant, vous connaissez l’histoire de la Pologne : dépecée, écartelée entre la Prusse, la Russie et l’Empire austro-hongrois pendant plus de 120 ans, elle s’est recollée en 1919 et 1945 ; son hymne national actuel commence ainsi : « La Pologne n’a pas encore péri »... La Tchéquie disparut trois cents ans, intégrée dans l’Empire, un temps pendant lequel sa langue ne survécut qu’oralement, dans ses dialectes, la langue officielle devenant l’allemand. Au milieu du XIXe siècle, pendant le réveil des nationalités de l’Europe centrale, quelques poètes lui redonnèrent vie. Elle ne recouvra son indépendance qu’en 1919, mariée quasi de force à la Slovaquie, qui s’en détacha à la fin des années 90. On pourrait continuer la liste.

Alors, avant de craindre ou, pire, de prophétiser la disparition de la nation québécoise pour bientôt, peut-être devient-il urgent d’attendre un peu. La seule certitude que nous puissions nous permettre, comme tout le monde, c’est qu’à terme, individuellement, nous sommes tous morts. Peut-être cette certitude constitue-t-elle la source de bien des angoisses : crever sans avoir vu la Terre promise. Faisons donc notre pèlerinage au Mur des fortifications en nous saluant : « L’an prochain à Québec ».

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