Abstention : piège à cons !
Par le M'PEP le 30 avril 2009
Les sondages sont convergents : si rien ne change dans les quelques semaines qui viennent, l’abstention battra un nouveau record lors des élections européennes du 7 juin. Depuis 1979, date de la première élection du Parlement européen au suffrage universel, l’abstention en France est allée de record en record : 39 % en 1979 et 57 % en 2004. On nous annonce pour 2009 une abstention supérieure à 60 %.
La situation est encore pire dans la plupart des autres pays de l’Union européenne.
Dans les pays qui faisaient partie des six membres du Marché commun du départ, les résultats sont particulièrement médiocres. Aux Pays-Bas, 42% d’abstentions aux élections européennes de 1979 ; 61% en 2004. En Allemagne, 34% d’abstentions en 1979 ; 57% en 2004. Le Royaume-Uni, qui a rejoint l’Union européenne plus tard, fait figure d’exception. L’abstention, en effet, connaît une remarquable stabilité. Mais à quel niveau ! Elle était de 60% en 1979, et elle est toujours de 60% en 2004 !
On nous avait dit que l’adhésion à l’Union européenne, dans les pays qui venaient d’y entrer, avait suscité l’enthousiasme des citoyens. Il n’en est strictement rien. Le record d’abstentions, toutes catégories, est détenu par la Slovaquie avec 83%. Deuxième, la Pologne, avec 79%. Troisième, l’Estonie, avec 73%. Etc.
Faut-il se réjouir ou s’inquiéter de la montée de
l’abstentionnisme aux élections européennes ? Il faut s’en inquiéter et
il faut donner un contenu très politique au vote du 7 juin, allant bien
au-delà de la seule question du Parlement européen.
10 RAISONS POUR NE PAS S’ABSTENIR, CAR S’ABSTENIR C’EST VOTER SARKOZY
Ce n’est pas si souvent que la souveraineté populaire est sollicitée
dans le cadre de l’Union européenne. D’autant qu’à plusieurs reprises
les oligarques européens n’ont pas tenu compte des résultats de
référendums, en France et aux Pays-Bas en 2005, ou en Irlande par
exemple en 2008, au motif qu’ils n’étaient pas politiquement conformes.
Alors quand le peuple peut s’exprimer, il doit le faire ! Va-t-on
demander au peuple de se taire ? Ce serait faire un magnifique cadeau à
tous ceux qui ne veulent pas des peuples dans la construction
européenne. Certes, il est parfois des situations où l’abstention peut
se justifier. C’était le cas, en 1969, au deuxième tour de l’élection
présidentielle en France, où deux candidats de droite étaient opposés :
Georges Pompidou et Alain Poher. C’était « bonnet blanc et blanc
bonnet ». Mais ce n’est pas le cas à cette élection européenne de 2009,
car on ne peut pas mettre sur le même plan toutes les listes qui
présentent des candidats aux élections.
Le peuple doit se rappeler au bon souvenir de l’Union européenne après
2005. Avec 55 % de « non » au référendum sur le traité constitutionnel
européen le 29 mai 2005, faudrait-il passer cette grande victoire aux
oubliettes et s’abstenir aux européennes de 2009 ? Faire ce cadeau aux
oligarques de Bruxelles et aux grands médias qui avaient menacé de
« cataclysme » si le « non » l’emportait ? Il existe une continuité
entre 2005 et 2009 ! Tous ceux qui ont voté « non » en 2005 doivent se
mobiliser une nouvelle fois en 2009. A quel titre faudrait-il renoncer
alors qu’il est possible de sanctionner les partisans du « oui » ?
Ceux qui s’abstiennent, comme d’habitude, sont les jeunes et les
milieux populaires, c’est-à-dire ceux qui ont le plus intérêt au
changement des politiques de l’Union européenne et de l’Union
européenne elle-même. En s’abstenant, ils laissent la voie libre aux
partisans du système. Les partis qui étaient favorables au TCE en 2005
sont aujourd’hui favorables au Traité de Lisbonne, copie conforme du
TCE. Il faut les nommer : UMP, PS, MoDem, Verts. Est-il possible de les
laisser caracoler avec des sondages qui leur donnent respectivement aux
alentours de 28%, 25%, 12% et 10% ? Autrement dit, le « oui »
obtiendrait 75 % ! Le traité de Lisbonne est la ligne de partage. Tous
ceux qui le soutiennent doivent être éliminés de l’élection. D’autant
que se sont les parlementaires de ces mêmes partis qui ont empêché, en
2008, lors du Congrès de Versailles, la tenue d’un référendum sur le
traité de Lisbonne (sauf une députée des Verts et quelques
parlementaires du PS). Alors pas de pitié !
Est-ce que les records d’abstention passée aux européennes ont changé
quelque chose ? Ont-ils envoyé un message, fait « prendre conscience »
aux oligarques européens qu’ils faisaient fausse route ? Ont-ils montré
quoi que ce soit ? Au contraire ! Ils ont laissé le champ libre à tous
ceux qui veulent interdire la démocratie en Europe. Ce serait quand
même le comble, en France, après que les électeurs aient voté « non »
en 2005, qu’ils aient observé les extravagances de Sarkozy depuis deux
ans et constaté la responsabilité de l’Union européenne dans la crise,
qu’ils disent « encore » à ces politiques en s’abstenant ! Et qu’ils ne
profitent pas de l’occasion pour sanctionner les partis pro-système !
Parmi les partis et listes qui se présentent aux élections européennes,
certains ont une responsabilité particulière dans la crise du
capitalisme néolibéral. Ce sont tous ceux qui ont participé ou soutenu
les politiques de l’Union européenne, qui ont impulsé les politiques
gouvernementales de libéralisation, qui ont soutenu les traités
européens de Maastricht à Lisbonne. Pourquoi les laisser impunis ? Il
faut les sanctionner !
C’est la première fois que le peuple a la possibilité de s’exprimer
après les présidentielles de 2007 et la crise du capitalisme
néolibéral. Va-t-il se taire, comme si personne n’était responsable de
rien ? Comme s’il n’y avait pas de coupables ? Comme s’il n’y avait pas
de solutions ?
Que signifierait un score de l’UMP arrivant en tête de l’élection avec
près de 30% des voix, et sa roue de secours – Bayrou – avec 12 à 15% ?
Quel serait le signal politique donné à tous ceux qui luttent contre
les effets de sa politique ? Il y aurait une contradiction totale entre
l’immense mécontentement qui gronde dans la société et le résultat de
ces élections. Comment comprendre qu’il n’y ait aucune traduction
politique des luttes sociales ? L’abstention ne sera pas interprétée
comme un soutien aux luttes mais comme un abandon. Elle affaiblira les
luttes.
Si l’UMP l’emporte haut la main, ce sera une consolidation de la
politique de Sarkozy, ce sera lui donner carte blanche pour la
poursuivre. Est-ce vraiment ce que veulent les abstentionnistes ?
L’abstention va préparer la « gouvernance », c’est-à-dire la gestion
par des « experts » et non par des élus. C’est le rêve des européistes
de tous bords : diriger l’Union européenne avec des gens
« compétents », qui savent mieux que les peuples ce qui est bon pour
eux, faire oublier la démocratie et la parole du peuple. L’abstention
ne fait qu’encourager cette tendance morbide.
L’abstention, c’est accepter l’eurolibéralisme puisque c’est refuser d’accorder sa voix aux listes qui s’y opposent.