La Wallonie française : un vrai changement de système
Par Paul-Henry Gendebien, président du Rassemblement Wallonie France le 26 mai 2009
Dans une large mesure, la Belgique est une démocratie
inachevée, incomplète, parce qu'elle est une « non-République », selon
la formule de Luc Rozensweig (note : ancien correspondant à Bruxelles du journal Le Monde).
Le régime belge organise en système la soumission des citoyens aux
administrations, aux réseaux, aux partis pourvoyeurs d'emplois, de
nominations, de subventions.
Le citoyen a peu de relations directes avec l'État puisqu'il est contraint de transiter par les corps intermédiaires (un parti, un syndicat, un député local) pour obtenir une faveur qui n'est en réalité qu'un droit.
L'organisation « pluraliste » de la société en « piliers » a contaminé la qualité de citoyen dont les individus sont dépossédés en raison de leur ancrage identitaire ou philosophique. Ainsi l'emprise des partis et des réseaux aboutit, en fait, à une dépolitisation croissante.
La pensée correcte finit par induire des comportements corrects et inversement. Passivité et conformisme sont encouragés par le système figé des familles politiques qui encadrent la société. C'est l'une des tares structurelles du système belge qui a pour effet de séparer la citoyenneté de la démocratie.
La réunion aurait le mérite de rehausser le statut des Wallons, sujets belges, à celui de citoyens français. Avec elle, c'est un projet politique novateur qui est proposé aux Wallons et aux Bruxellois. Au-delà de la francophilie, l'idée réunioniste doit être l'instrument d'un changement de régime politique. Que l'on songe à ce que celui-ci apporterait : le creuset républicain, le principe d'égalité garanti par la loi, l'école de tous et pour tous la meilleure possible, la garantie d'une solidarité sociale organisée, la laïcité de la sphère publique combinée avec la liberté des cultes dans la sphère privée, la séparation de l'Église – des églises – et de l'État, le principe de l'intégration des immigrés au lieu du communautarisme promoteur de ghettos, le scrutin majoritaire.
Un changement de régime aurait un autre mérite encore, et non des moindres, celui de renverser cette croyance belge dans les vertus imaginaires du « bon sens » en politique, qui expliquerait la quête frénétique de compromis toujours obscurs et boiteux, souvent provisoires et coûteux. Serait ainsi effacée cette disgrâce considérable du système belge qui consiste à refuser les choix politiques clairs et à diluer la responsabilité au point de la faire disparaître dans des coalitions toujours plus hétéroclites.
Dans
leur inconscient collectif, les Wallons et les Bruxellois aspirent à un
profond renouvellement des modes de fonctionnement de la société
politique. Il leur faut se tourner vers la France mais pas en suivant
la pente du sentiment ou en obéissant à Dieu sait quelle loi de
l'Histoire.
Dans sa démarche en direction de la France, le R.W.F.
ne veut pas se revendiquer d'un précédent — la « période française »
entre 1794 et 1814 — ni de « droits historiques » quelconques qui
justifieraient aujourd'hui son projet. Accepter l'idée d'une
prédestination fondée sur les événements du passé reviendrait à
s'aventurer dans la voie incertaine du déterminisme dans la vie des
peuples.
Le
réunionisme n'est pas un ethno-culturalisme. Il n'a donc rien de commun
avec un nationalisme linguistique. Ce qu'il traduit, c'est une volonté
d'adhésion à la nation française et à la République française,
indiquant par-là que c'est aussi un autre régime politique qui est
désiré.
Pas d'historicisme et dès lors pas de fatalisme. C'est dire
que les réunionistes ont une vision « laïque » de l'histoire. La
primauté qu'ils accordent à la volonté politique et humaine le démontre
clairement : il ne s'agit pas de plaider en faveur de la reconstitution
d'une unité perdue de la « grande famille française ». Un pareil
objectif serait d'ailleurs en contradiction avec la fonction
intégratrice (le creuset) qui est celle de la République, notamment en
ce qui concerne la promotion sociale ou l'intégration des immigrés.
Sans aucun doute les affinités électives et en particulier une langue et une culture communes jouent-elles un rôle de premier plan dans l'attraction française. Ce que l'on veut dire ici, c'est que ces facteurs ne peuvent constituer les seuls fondements d'une adhésion qui est avant tout de nature politique.
Devenir français
présuppose d'ailleurs cette adhésion à la République française et à la
citoyenneté française, pour la bonne raison que depuis les origines
jusqu'à nos jours, la France a été et reste une construction politique
qui se poursuit à chaque génération.
Extrait de Le Choix de la France (Luc Pire, 2001), Paul-Henry Gendebien