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Le Chenillou
30 mai 2009

Mon non est québécois

Sarko_europePar Jean-Louis Archambault, Vigile  , le 9 mai 2005

Quatre ans plus tard, il me semblait utile de célébrer l'anniversaire d'un événement qui dans un État réellement démocratique et digne de la république, aurait eu pour conséquence immédiate la remise à plat de nos relations vis-à-vis de l'UE, au contraire, sitôt élu, le président Sarkozy s'est empressé de trahir une forte partie de ses propres électeurs en faisant adopter par les députés et sénateurs le traité de Lisbonne. Le combat est donc loin de se voir clôt.

Un évènement singulier va se produire en France le 29 mai prochain. Les électeurs vont devoir répondre par OUI ou par NON, à la ratification d'un document de 191 pages ( version français ), qu'au moins 99 % d'entre eux n'auront pas lu dans son intégralité.

Les Français sont donc invités à donner un blanc-seing à un traité-roman que personne n'est censé comprendre, mais qui engagera leur avenir pour très longtemps. A prendre ou à laisser...

A quel démarcheur, nous présentant un contrat aussi dense, technique et contraignant, remplis d'alinéas et sous-entendus, accepterait-on de donner sa signature ?

Une façon bien étrange, en réalité, de pratiquer la démocratie dans un pays dont les manières s'apparentent déjà à une monarchie républicaine et où les députés-godillots, rangés comme un seul homme derrière l'exécutif, ne finissent par susciter au mieux l'indifférence de la part de leurs électeurs.

C'est dans ce contexte qu'une Constitution européenne nous est proposée, qui viendrait se superposer dans un premier temps à la nôtre et donner corps aux objectifs d'organes non élus aux pouvoirs déjà exorbitants : Commission et Banque centrale européenne. Subordonner le politique, le culturel, le social aux règles d'une économie ultra-libérale : voilà l'obsession du traité dans lequel reviennent un nombre incalculable de fois, les mots "marché " et "concurrence". Les passages consacrés à l'Europe sociale n'étant que déclarations d'intention, professions de foi et saupoudrages qui resteront forcément sans lendemain. Rien en tous cas qui puissent empêcher les conseils d'administration des firmes transnationales de décider sans contrôle du sort d'un nombre croissants de citoyens de l'hexagone. Rien qui soit susceptible de freiner l'accélération des délocalisations, pratiquées par d'aucuns comme l'étaient des saignées des médecins, autrefois censées guérir les malades.

Dans la ligne de mire : destruction du Code du travail, traque des services publics, précarité grandissante, remise en cause des acquis sociaux fondamentaux arrachés par des décennies de lutte.

Le capitalisme d'État étant mort depuis longtemps, les nouvelles règles de concurrence enlèveront à l'État Français les derniers leviers économiques qu'il possédait. Le Parlement, dont la Constitution actuelle réduit déjà considérablement les pouvoirs, se verra rétrécir aux dimensions d'une assemblée consultative. Et ce n'est certainement pas dans le Parlement européen, dût-il disposer de pouvoirs accrus, que se reconnaîtront les Français : assemblée pléthorique où les clivages traditionnels ont disparu, et dont le fonctionnement complexe échappera pour l'essentiel aux citoyens.

Les centres de décision s'éloignent encore, et leurs mécanismes devenant de plus en plus opaques, le cynisme pour la classe politique, déjà inquiétant à maints égards, risque de prendre des proportions insoupçonnées. En réduisant le mot "nationalisme" à son acception guerrière de la première moitie du vingtième siècle, les technocrates de Bruxelles et les ténors du OUI font bien peu de cas des vertus des nations. Celles qui, réunies, ont fait le génie de l'Europe, et assuré son rayonnement dans le monde entier.

Ils occultent un débat fondamental, celui de la personnalité des peuples qui composent les différentes nations européennes attachés à leurs traditions, leurs cultures, leurs langues, la longue histoire d'émancipation de leurs pays respectifs. Imprégnés souvent par leur religion, dont les conflits avec le pouvoir séculier, différents d' un pays à l'autre, ont conduit aujourd'hui à un équilibre dans la plupart des pays de l'Union. Vouloir dépouiller les démocraties actuelles de prérogatives essentielles, pour le bien supposé de leurs citoyens, et fondre les peuples européens dans un moule unique n'a pas de sens et n'est pas souhaitable.

Le lecteur patient et attentif ne manquera pas de sursauter en découvrant quelques articles phares comme celui-ci : "la Constitution est le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres. " ( article I-6 ), voilà qui annonce inévitablement des procès interminables et mortifières intentés à l'État français par les communautés les plus diverses, qui voudront contourner la loi française et faire valoir leurs droits. A la rescousse, une escouade d'avocats internationaux de renom, au service de grands groupes d'intérêt, mettra rapidement à mal les fondements mêmes de la République et rendra caduques ses lois.

Cela peut être vrais pour des communautés religieuses, puisque, selon la charte des droits fondamentaux du traité, " toute personne à le droit de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites". Faudra t-il revenir cent ans en arrière, et recommencer la lutte pour la séparation des églises et des États, qui a conduit notre société à tant de déchirements ? Mais cela peut s'appliquer aussi le ciment même de notre nation et que les français ont torts de considérer comme étant indestructible : notre langue. La directive Bolkestein sur la libéralisation des services a récemment polarisée toutes les attentions. Mais, inévitablement, et au train où vont les choses, la Commission créera également des références communes entre les pays membres, pour ce qui est de la "liberté" pour les entreprises de choisir une langue nationale dans la sphère du travail. Point besoin d'être devin pour savoir, alors, quelle langue sera choisie...Et il ne faudra pas longtemps, non plus, pour rendre inapplicable l'article de notre Constitution " La langue de la République est le français ".

Certes, vous trouverez aussi dans le traité ( ça ne mange pas de pain ) quelques mots affirmant le respect de la diversité culturelle. En réalité la primauté du droit européen sur le droit des États ira sans cesse en s'affirmant davantage. Et, par une formidable régression, nous devrons nous battre, à l'intérieur du carcan fédéral, pour préserver l'essentiel, et ce qui fait notre essence même : l'égalité de notre culture et de notre langue, le droit, par exemple, de parler notre langue maternelle dans notre pays, sur notre lieu de travail.

Qui se préoccupe aujourd'hui en France et en Europe de la lutte du Québec à l'épreuve de l'étau fédéral canadien ? Beaucoup d'entre nous ignorent en fait que la "Belle province" avec 82 % de francophones et 90 % de citoyens qui maîtrisent le français, et culturellement aussi homogène que la moyenne des États européens. Et pourtant, la Cour suprême du Canada et le pouvoir canadien anglophone n'ont de cesse de vouloir dicter au Québec ses lois linguistiques, par des procès récurrents contre la Charte de la langue française, érodée sans cesse davantage depuis 25 ans par des jugements successifs. Est-ce vers cela que tend l'Europe de Bruxelles, avec ses pluies de directives passées en catimini, qui font l'actualité à la veille d'un référendum, et ces procès pour déviance intentés aux États ?

La paix ! Certes l'Europe nous a, dans son souci du dialogue et du rapprochement entre nations, évité fort heureusement les grands conflits militaires qui l'ont conduites au suicide au siècle dernier. Mais comment accepter qu'une confédération  de plus de 460 millions d'habitants ne soit pas capable d'assurer seule sa défense ? Le texte sur la politique de sécurité et de défense commune de l'Union ( PESC ) indique qu'elle est "compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée " dans le cadre de l'OTAN. Ce qui veut donc évidemment dire que la défense européenne restera ( ad vitam ? ) sous la tutelle de Washington.

Ainsi les pressions répétées de l'administration américaine sur les autorités européennes poussant à l'adhésion de la Turquie à l'Europe, ont-elles toutes les chances de recevoir à l'avenir un écho favorable. La Turquie constituant comme chacun sait, un avant poste de l'OTAN et du dispositif états-unien au service de la politique militariste menée au Moyen-Orient. L'Europe sera-t-elle précipitée dans des conflits qu'elle n'aura pas voulus ? Quant au futur ministre européen des Affaires étrangères, représentant 25 ou 27 nations, n'est-il pas déjà condamné à manifester son impuissance et son ridicule ? Pensons à la multiplicité des positions européennes lors du déclenchement de la guerre d'Irak. Et a-t-on au moins pris en considération les risques d'attentats terroristes majeurs sur le sol européen ?

Mais l'hypocrisie des dirigeants européens n'est pas, loin s'en faut, circonscrite aux déclarations sur une nécessaire défense indépendante pour l'Europe, allant de pair avec la banalisation de la présence américaine sur le vieux continent. D'une manière particulièrement choquante, le silence est de mise sur la liste déjà longue des pratiques et initiatives contrevenant à la notion même d'égalité des cultures, et qui risque, à terme, d'enlever toute légitimité démocratique à l'Union. Il ne suffit pas en effet que la majeure partie des congrès scientifiques d'importance, même s'ils ont lieu en France, se déroulent en anglais, ni que les chercheurs écrivent ou fassent traduire leurs publications dans cette même langue. Que les lois sur l'affichage et l'usage du français dans les entreprises soit bafouées.

De plus en plus les directives de l'Union sont envoyées en anglais uniquement, et les appels d'offre rédigés dans cette seule langue. Dans plusieurs universités d'Europe du nord, ( hors Royaume-Uni ) l'enseignement de certaines disciplines ( économie, gestion, informatique, notamment ) est donné directement en anglais, au dépend des langues "indigènes". A Bruxelles, les réunions entre fonctionnaires et autres séminaires de formation se font le plus souvent en une seule langue : l'anglais, utilisé au delà de toute nécessité. Nombre de fonctionnaires sont d'ailleurs recrutés à la condition expresse d'être de langue naturelle anglaise. Gage de compétence ou discrimination ?

La traduction en français des étiquettes, modes d'emploi, notices de composition de tout produit circulant dans le commerce, y compris les produits alimentaires et pharmaceutiques, devrait être remplacée par une version unilingue anglais, ou un petit dessin pour les non-anglophones et autres ...analphabètes. Le plus sérieusement du monde , un groupe de conservateurs britanniques àa récemment proposé qu'une seule langue de travail soit maintenue dans l'Union : la leur. Motif invoqué : une économie de près de 2 euros par an pour chaque citoyen de l'Union. L'âme des peuples ne pèse pas lourd !

Toutes ces propositions, provisoirement rejetées ou amandées, reviendront inévitablement sur le tapis et n'ont aucun caractère anecdotique. Elles traduisent une arrogance et un mépris croissant pour tout ce qui ne relève pas de la culture des maîtres économiques du monde. Et il va de soi que derrière un utilitarisme affligeant, le choix de l'anglais comme langue dominante procure des avantages massifs, d'ordre politique et économique, aux citoyens de l'Union européenne dont il est langue maternelle. Aucune donnée démographique ne justifie pourtant pareille hégémonie. Il peut être utile de rappeler que l'anglais, avec 65 millions de locuteurs ( Royaume-Uni et Irlande confondus ) n'est que la quatrième langue parlée sur le continent européen et la troisième langue de l'Union derrière le russe ( 120 millions ) l'allemand ( 95 ) et le français ( 67 ) .

Il n'y aurait donc rien de fatal à cette course folle vers l'unilinguisme, si les dirigeants des grands États de l'Europe continentale, par un laxisme ou une myopie consternantes ne favorisaient cette évolution vers une hiérarchie de facto des cultures. S'ils ne passaient pas sous silence cette dérive étrangère aux principes de diversité dont ils se gargarisent. S'ils encourageaient l'utilisation des langues officielles de travail officielles autres que l'anglais dans les instances européennes, comme il est prévu par les traités. Ou informait tout simplement les populations des différents pays de l'Union de leur droit élémentaires à promouvoir et à défendre leur langue. Au lieu de cela, nos dirigeants "s'autocongratulent" , toute dent dehors et se pavanent au soleil sous l'œil des caméras en multipliant les commémorations à la gloire de nos cultures réconciliées. Pour ce type de cérémonie, la France et l'Allemagne se placent au premier rang, tandis que de chaque côté du Rhin, Français et Allemands se parlent de plus en plus ... en anglais !

Pour Adenauer et de Gaulle, quel pitoyable héritage !

Tournez la tête à droite et à gauche, et voyez-les donc nos politiques les plus en vue..juchés fièrement sur le cheval de Troie anglo-américain et brandissant, benoitement l'étendard d'un nationaliste qui n'est pas le leur !

L'Europe va dans la mauvaise direction, on le voit bien. D'abord parce que la culture est restée en marge de sa construction, axée sur le développement d'une union économique et monétaire. Et qu'une crise de conscience reste à faire : Car derrière l'éloge des différences et les incantations sur l'exception de la diversité culturelle, se profile un monde triste et uniformisé, racorni, ratatiné, d'où tout exotisme aura disparu : "macdonaldisation" accélérée des paysages et des esprits.

Le traité constitutionnel sil est ratifié ne fera qu'avaliser ce processus, plongeant le citoyen dans la liberté illusoire de proposer, protester, pétitionner...Un seul nationalisme aurait encore droit de cité : celui des Américains, dont il est interdit de rire lorsqu'ils accrochent un drapeau à bannière étoilée sur leur voiture, l' autre des Anglais, dont les tabloïds xénophobes se déchaînent régulièrement contre les représentants des États continentaux ou diverses communautés, sans qu'aucuns de leurs rédacteurs soient inquiété par les tribunaux.

Pourquoi attendre, dans ces conditions que les Anglais disent NON à notre place ? A moins de supposer que, après avoir été exonérés des accords de Schengen, de dispositions sur la législation du travail de l'Union,de la monnaie unique, etc.., ils ne le soient aussi du futur traité constitutionnel, que seuls les États du continent auraient accepté.

Dire NON ce n'est pas voter pour un quelconque repli comme le prétendent les tenants du camp du OUI, volontiers donneurs de leçons. C'est donner un coup d'arrêt vers une Europe qui s'éloigne des chemins qui n'ont rien à voir avec ceux de ses Pères fondateurs. Les idéologues du OUI auraient-ils perdu tout idéalisme ?

Ils doivent bien comprendre, en tous cas, qu'ils n'ont pas le monopole de l'amour pour l'Europe, et qu'il est permis d'imaginer une autre Europe que la leur. Il existe un cadre juridique, le traité de Nice, valable jusqu'en 2009, qui laisse aux européens le temps de remettre les choses à plat en toute sérénité, et de redonner des points de repères à des citoyens désabusés. L'État-nation ou ce qu'il en reste, tellement décrié par les tenants d'un modernisme, n'est, dans le cadre de la construction d'une organisation de l'Europe, pas l'ennemi, mais le dernier remparts contre l'implosion de nos sociétés;

Il redevient une idée moderne, n'en déplaise à certain, dans le laminoir de la mondialisation actuelle. Alors qu'on voudrait nous en priver, il est le but suprême auquel aspirent des peuples tout entiers. Le meilleur exemple nous en est donné par le Québec, qui étouffe dans son statut de province. Si un référendum avait eu lieu là bas fin avril, 54 % des électeurs auraient voter OUI...à l'indépendance.

Déstructurer inconsidérément l'État-nation, c'est promouvoir une régionalisation de l'Europe, ce que nous prônons pour la France ne peut l'être pour l'Europe, qui remettra peu à peu en cause les frontières qui ont assurer la paix à l'Europe depuis le dernier conflit mondial. Et c'est là prendre le risque de voir ressurgir les pires nationalismes. C'est donner un rôle de premier plan aux communautés, notamment religieux, dont les intérêts égoïstes occuperont sans cesse le devant de l'actualité. Promouvoir un individualisme à courte-vue. Favoriser l'action des grandes sociétés capitalistes prédatrices. Laisser le champ libre aux groupes multimédias géants qui font main-basse sur l'imaginaire. Quelques exemples sont édifiants : AOL-Time Warner, numéro un mondial est à lui seul propriétaire de 20 000 films et 32 000 séries télévisées. Sony et Universal contrôlent la moitié du marché mondial de la production musicale...

A moins de souhaiter pour l'Europe, nécrose fatale, une disparition de pans entiers de sa culture, ou d'ignorer la tragique et glorieuse histoire du continent, une Confédération d'États-nations est la seule voix qui permette raisonnablement d'avancer. Une tâche immense attend encore ces États, qui devront toujours se rapprocher davantage, harmoniser leurs législations dans les domaines les plus divers, coopérer pour la paix et assurer ensemble leur prospérité économique. Mais, qui devrons aussi conserver un pouvoir de décision dans le domaine économique et social, sous peine de sombrer dans le discrédit, et d'assister impuissants, à des convulsions d'une ampleur inédite. Veiller à ce que les cultures et langues minoritaires ne disparaissent pas, tout simplement, comme le patois de nos villages, qui après des siècles d'existence, s'est effacé en deux générations.

Pour cela il est indispensable qu'une politique linguistique responsable soit mise en place selon le principe de l'égalité des citoyens, et par conséquent l'égalité de leurs langues et cultures respectives, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui et ne le sera pas demain si le traité constitutionnel est accepté.

Votons NON pour aider les peuples d'Europe à rester ce qu'ils sont. En adressant aussi un message au peuple québécois, ardent défenseur de la diversité culturelle, pour que jamais, il ne se laisse minoriser ou folkloriser. Votons NON sans nous laisser intimider ou culpabiliser par les mystificateurs et autres Cassandre ayant pignon sur rue grâce aux médias, ce qui n'est pas peu dire, car ceux-ci sont plus que majoritairement oui-ouistes.

Après le NON, l'Europe vivra !

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