Crash social à Airbus
Par Jean-Pierre Martin , le 2 juin 2009
Le mystère plane encore : que sont devenus les milliers de salariés d'Airbus et ses centaines de sous-traitants?
Il
est 4h14 lundi, quand la direction d'Airbus remarque leur disparition
des écrans de contrôle. Immédiatement l'alerte est lancée, mais rien
n'y fait, le contact radio ne sera jamais rétabli : "On
a d'abord cru à une panne de réveil, ou alors à une confusion. Vous
savez, le lundi de Pentecôte, on ne sait plus trop s'il est férié ou non"
témoigne ce cadre de la société. Mais les heures avançant, il faut se
rendre à la tragique évidence. Et c'est en début d'après-midi que le
PDG Thomas Enders annonce la triste nouvelle : "Il
n'y a plus d'espoir. Les salariés disparus ont de toute évidence été
licenciés. Quant aux sous-traitants, ils ont dû fermer, victimes des
délocalisations".
Quel est l'improbable scénario qui a conduit au drame? Du côté de la
direction d'Airbus, on écarte la possibilité d'une erreur humaine de
gestion : "La thèse privilégiée est
celle de la crise conjuguée à des difficultés conjoncturelles. Il est
possible que la baisse du dollar, des coûts en forte hausse ait
fragilisé la carlingue et que la crise ait fait perdre le contrôle au
pilote". Du côté des syndicats, le ton est bien différent. Pour eux, tout est la faute du plan de restructuration Power 8 : "Cette
catastrophe sociale était programmée cyniquement par la direction.
Suppression de postes, filialisation, délocalisation de la
sous-traitance, tout était planifié. Il s'agit d'un attentat social.
Surtout dans une boîte qui fait des bénéfices". Les experts
quant à eux sont catégoriques : il est impossible que la direction
d'Airbus soit responsable de ce désastre. Un constat partagé par le
gouvernement. Nicolas Sarkozy, qui a interrompu son week-end sur la
riviera pour venir soutenir les familles des victimes, a déclaré qu'il
n'y avait "aucun élément précis sur ce qui s'est passé" et que les "perspectives de retrouver des salariés en CDI étaient très faibles".
Depuis c'est l'emballement médiatique. Le Parisien
publie à sa une les visages de quelques-uns des milliers de salariés
sacrifiés, tandis que la télévision et la radio consacrent des heures
d'antenne au drame du chômage. Car si le pire était confirmé, il
pourrait s'agir d'une des plus grandes catastrophes sociales en France,
qui essuie par ailleurs une incroyable série noire. Notre pays paye en
effet un lourd tribut aux intempéries, puisque la crise a aussi
foudroyé de nombreux autres salariés, tels ceux de Continental ou
Arcelor. Une succession de drames qui pourrait faire douter de notre
défense nationale. Pourtant, tous les experts s'accordent à dire que "les
systèmes de protection sociale ne sont pas en cause. Ces salariés
étaient très bien protégés, peut être même trop. On peut même penser
que la lourdeur du code du travail a été un handicap. Trop de sécurité
s'avère inefficace". François Fillon s'est d'ailleurs engagé à continuer les efforts de simplification du code du travail.
Malgré tout, le mystère reste entier. Comment le fleuron de l'industrie
européenne a pu perdre autant salariés et de sous-traitants? Tant que
les boîtes noires qui enregistrent les débats du conseil
d'administration n'auront pas été retrouvées, toutes les spéculations
seront possibles. Même les plus fantaisistes, qui voient derrière tout
cela la marque du terrorisme financier. Des rumeurs font d'ailleurs
état d'une vente de stock-options la veille du drame de la part de
cadres dirigeants d'EADS. Le nom d'Arnaud Lagardère est même sussuré.
Le patron d'EADS a réagi immédiatement à ces allégations mensongères,
en confirmant au micro de RTL la vente de ses options, mais en réfutant
clairement le délit d'initié : "Je n'ai aucune espèce d'idées de ce qui se passe dans les usines. Je préfère passer pour un incompétent que pour un terroriste".
Si la piste terroriste devait être approfondie, le ministère de
l'Intérieur a déjà un oeil sur l'ultra-gauche mouvance
anarcho-autonome. Julien Coupat étant libre (et ayant passé des
vacances au camping municipal de Toulouse en 1983 avec son tonton
Jeannot), il serait de facto le suspect numéro 1.