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Le Chenillou
9 juin 2009

Plaies et bosses pour tout le monde

Par_Par Antidote  le 9 juin 2009

Les élections européennes ont rendu leur verdict. Les observateurs y voient de gros perdants, ce qui n’est pas douteux. Mais ils y voient aussi des vainqueurs ce qui interroge davantage, surtout dans un contexte d’abstention massive. C’est donc le moment d’effectuer une revue de troupes.

François Bayrou a perdu son sang froid. Poussé à la faute par le gouailleur insupportable Daniel Cohn-Bendit, sorte de frère jumeau de son autre bête noire Bernard Tapie, il s’est laissé aller à une attaque sous la ceinture de mauvais aloi alors que son parcours politique avait été jusque là plutôt digne et que, de surcroît, il faisait de cette dignité une marque de fabrique. Il se positionnait notamment, grâce à la retenue dont il faisait preuve, comme le recours face aux outrances de Nicolas Sarkozy et le style improbable de Ségolène Royal. Patatras. Il est apparu, pour le téléspectateur ébahi, et surtout l’électeur du marais écolo-modemisé, comme l’homo politicus de base, prêt à tout pour arriver. Aujourd’hui, il s’enfonce lamentablement dans des métaphores footballistiques d’un ridicule extrême et qui indiquent que la descente aux enfers n’est pas prête de s’achever. Le MoDem se trouve aujourd’hui dans la plus mauvaise position à neuf mois des élections régionales. Alors qu’un socle de 12 % était nécessaire dimanche pour espérer conforter sa situation de parti indépendant1, il ne fait que 8 et demi et sera donc, selon toute vraisemblance, dans l’alternative honnie : devoir s’allier, en position de faiblesse, avec le PS pour avoir des élus ou choisir de ne pas en avoir, ce qui impliquerait une nouvelle saignée parmi ses cadres et militants.

Le Parti Socialiste a fait un score catastrophique. Pourtant, il ne virera pas Martine Aubry. Personne ne veut affronter un scrutin régional lourd de dangers puisqu’il détient déjà vingt régions sur vingt-deux et qu’il devrait logiquement être en deça au mois de mars prochain. Il semble donc que le sort de la Maire de Lille soit scellé : elle ne sera débarquée qu’au printemps prochain. Ce syndicat d’élus qu’est devenu le PS n’acceptera pas de voir diminuer le tas d’or de la décentralisation sur lequel il est aujourd’hui assis. Pourtant, ce serait une chance. Parce qu’il se poserait enfin les bonnes questions. Et qu’il ferait peut-être l’effort de se tourner vers la présidentielle et de réfléchir à un positionnement, recouvrer un corps de doctrine face à la mondialisation. Cela pourrait être une chance mais cela pourrait aussi déboucher sur son éclatement puisqu’il semble impossible de voir Moscovici, l’ami de Lamy2, s’accorder avec Hamon le protectionniste. Au printemps 2010, nous vivrons donc, selon toute vraisemblance, une tournant vital pour le parti d’Epinay.

Plus à gauche, le NPA de Besancenot n’a pas fait recette. Il subit un échec puisqu’il est devancé par le Front de Gauche. Sa seule consolation réside dans le fait que Lutte Ouvrière a encore vu son influence diminuer dans l’électorat trotskiste traditionnel. Pourtant, le Front de Gauche ne peut crier pour autant victoire. Son score en pourcentage dépasse certes ses concurrents du Non de gauche mais, en voix, il n’est guère supérieur à celui du PCF lors des élections présidentielles. C’est d’autant plus décevant qu’il possédait en Jean-Luc Mélenchon, un tribun d’une autre trempe que Marie-Georges Buffet.

A l’autre bout de l’échiquier politique, le Front National et Libertas font aussi des scores décevants compte tenu du contexte peu favorable à la construction européenne. L’abstention a été le pire ennemi des organisations nonistes. Sans doute l’électorat eurocritique éprouvait-il de la lassitude à écouter encore une fois la même campagne de la part des même chefs de file et qu’il a préféré cette fois-ci la pêche à la ligne, la fête des mères et la finale de Rolland-Garros. C’est d’autant plus dommage que les listes de Debout la République, qui avaient l’avantage d’apporter à la fois des têtes nouvelles, des méthodes et une campagne différentes, n’aient pas pu percer davantage. Ignorées3 par la classe médiatique sous prétexte de sondages aux alentours de 0,5 %, elles sont parvenues à rassembler plus du triple (1,78%). Qui dit qu’avec une meilleure exposition, elles n’auraient pas franchi le seuil fatidique des 3% lui permettant le remboursement de ses frais de campagne et une installation garantie dans le paysage politique français ?

Après avoir passé en revue les vrais perdants, examinons maintenant la situation des deux faux-vainqueurs.

Europe Ecologie fait certes un joli score. Mais, comme Bernard Tapie en 1994, comme Charles Pasqua et Philippe de Villiers en 1999, cette nouvelle organisation se heurte à une difficulté de base dans notre république présidentielle : elle n’a pas de présidentiable. Certes, ce ne sont pas les ennuis judiciaires4 qui posent ici problème. En revanche, l’analogie avec la liste Pasqua-Villiers est intéressante. L’alliance de personnes aussi différentes sur les sujets économiques et sociaux n’a pas plus de chance d’être durable sous le patronage de l’écologisme que celui, déjà incertain, du souverainisme5. Elle ne pourrait se réaliser que si son chef Daniel Cohn-Bendit était présidentiable, ce qu’il refuse d’autant plus naturellement qu’il dit ne pas se sentir français. C’est pourquoi, il s’agit sans doute d’une victoire sans lendemain ni perspective. Pour l’instant, on fait la fête, mais les arrière-pensées demeurent bel et bien puisqu’aucun objectif commun n’est véritablement fixé.

Quant à l’UMP qui jouait la fausse modestie dimanche soir, elle faisait bien de ne pas faire de triomphalisme. Xavier Bertrand et les autres avaient beau jeu de rappeler que l’élection n’avait qu’un tour et que, de ce fait, les listes en tête remportaient les élections. Ils avaient beau jeu de marteler que c’était la première fois depuis trente ans que le parti du président remportait un scrutin européen6. Il n’en reste pas moins qu’il est, aujourd’hui avec 27 %, sans aucune réserve de voix pour les élections à deux tours. Sarkozy a tellement bien fait le ménage à droite, qu’il n’a plus aucun allié et que, mis à part son parti, ou d’ailleurs les couteaux sont déjà affutés en cas de coup dur par Juppé, Copé ou Villepin s’il sort indemne du procès Clearstream, tout le monde est désormais ligué contre lui. L’UMP d’aujourd’hui, c’est un peu l’Olympique Lyonnais de Jean-Michel Aulas, qui à force d’affaiblir le championnat de France en le saignant à blanc pour son propre profit, a fini par s’affaiblir lui-même et à être finalement devancé après quelques années de domination sans partage. Certains observateurs ont ainsi pu noter à juste titre que dans un contexte où la droite européenne a écrasé la gauche, c’est bien en France que le parti de droite est le plus faible. En Italie, en Espagne ou en Allemagne, les homologues de l’UMP réalisent des scores beaucoup plus flatteurs.

Enfin, et cette dernière observation s’adresse à tous, le niveau de l’abstention sanctionne d’une manière éclatante un système politique complètement sourd, un jeu de rôles indigne dont le point culminant fut le spectacle calamiteux animé jeudi soir dernier par la pitoyable Arlette Chabot. Notre démocratie est bel et bien en train de crever sous les coups de boutoir de la mondialisation, de la technocratie, de la communication et du spectacle médiatique réunis.

Et, je vous le dis comme je le pense, ce n’est pas la faute des abstentionnistes.

 

  1. Le scrutin régional impose un seuil de 10% afin de se maintenir au second tour et obtenir des élus. Une marge de 2 points était nécessaire en vue d’un scrutin moins mobilisateur du fait de la moindre notoriété des têtes de liste
  2. Directeur de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
  3. Même lors de la soirée électorale, son score, pourtant supérieur à celui de Lutte Ouvrière, fut passé sous silence alors que le parti trotskiste l’était. Il y a tout de même des choix médiatiques surprenants…
  4. Qui avaient empêché Tapie et Pasqua d’être candidats à la présidentielle suivante
  5. Je le dis d’autant plus humblement que j’ai longtemps cru, à tort, à ce concept, étranger à la tradition politique française. Dédicace à mon ami Claude Rochet
  6. En faisant ainsi le distingo avec “parti au gouvernement”, les porteurs de la parole présidentielle évitaient de rappeler le souvenir de la victoire du PS au pouvoir en 1999, en situation de cohabitation, deux ans seulement avant le 21 avril 2002
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