Encéphalogramme plat à gauche
Par Elie Arié, Marianne 2 , le 15 juin 2009
Il semble que tout le monde soit en train de sous-estimer l'état de décomposition dans lequel se trouve la gauche.
Passons rapidement sur l'agitation pathétique des socialistes qui
cherchent des réponses à leur vide conceptuel dans des problèmes
d'organisation (« secrétariat resserré » « changer le nom du parti »
« comité des sages »...).
La gauche renaîtra le jour où elle sera
capable de dire : « Voilà les quatre ou cinq mesures essentielles qui
nous distinguent de la droite et que nous mettrons en oeuvre si nous
sommes élus » - à condition que ces mesures apparaissent à la fois comme
- essentielles (non, diminuer le cout horaire de la location d'un Vélib ne suffira pas à définir un projet de société...)
- et crédibles: il ne suffira pas de dire« il faut sauver
l'assurance-maladie »,« il faut sauver les retraites par répartition »
(en voilà des idées qu'elles sont bonnes!), mais comment.
Or, elle en est manifestement incapable.
Mais le mal va bien au-delà.
On oublie trop rapidement les échecs, de plus en plus importants, des
«journées de manifestations syndicales» (l'échec de celle du 13 Juin
fut plus important que celui la précédente, et moindre que celui de
celle qui suivra) qui révèlent le même encéphalogramme plat chez les
syndicats que chez les partis de gauche- mais, plus grave, le même
désespoir des « classes populaires » dont certains s'obstinent à penser
qu'il faut se tourner vers elles car elles détiendraient « la
solution »: on assiste là à l'écroulement d'un des vieux mythes
fondateurs de la gauche, qui se refuse à voir que la classe ouvrière
française n'a pas de parade face aux délocalisations et à sa mise en
concurrence avec celles des pays en voie de développement.
Cette perplexité touche tout autant Europe-Écologie: à noter la lucidité de Cohn-Bendit, véritable auteur de son succès : « Il
faut incruster durablement cette nouvelle force de proposition
politique dans la réalité. Mais ce n'est pas si simple. Le parti
traditionnel, ce n'est pas la bonne formule. Le réseau, ce n'est pas ça
non plus. Il y a un grand point d'interrogation. Il faut inventer autre
chose ».
Et, par charité chrétienne, ne parlons pas de Bayrou.
Et décidons-nous à regarder les choses en face : l'UMP continue à
gagner les élections (ou à les perdre moins que les autres, ce qui,
pour la conquête du pouvoir, revient au même), et Sarkozy, malgré son
impopularité, paraît le moins mal placé pour remporter la prochaine
présidentielle, si elle devait avoir lieu aujourd'hui.
Politiquement, syndicalement, sociologiquement, intellectuellement, la gauche n'existe plus: tout doit partir de ce constat.