La loi anti-bandes sème la panique au MEDEF
Par Jean-Pierre Martin le 25 juin 2009
Quelle
mouche a donc piqué le gouvernement de Nicolas Sarkozy? Après deux ans
cadeaux ininterrompus aux plus riches, la droite française semble avoir
décidé de faire la chasse à la délinquance en col blanc, décrétée
priorité nationale. Et le Medef de monter au créneau par la voix de sa
présidente Laurence Parisot : "Nous sommes très troublés par ce virage idéologique. Cela nous rappelle les pires heures de l'ère soviétique!".
L'objet du courroux des patrons? Le projet de loi anti-bandes initialement défendue par le talentueux Christian Estrosi. Et notamment son article 1 : "Le
fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même
formé de façon temporaire, qui poursuit le but, caractérisé par un ou
plusieurs faits matériels, de commettre des violences volontaires
contre les personnes ou des destructions ou dégradations de biens, est
puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende." Car
derrière ce vocabulaire volontairement flou, c'est bien les conseils
d'administration qui sèment la terreur dans les entreprises qui sont
visés. Michelin, Continental, Caisses d'Epargne, Molex, Aubade,
Téléperformance....on ne compte plus le nombre de salariés victimes de
ces bandes violentes de patrons assoiffés d'argent. Si bien qu'on se
demande pourquoi à gauche, il ne s'est trouvé que le seul progressiste
Manuel Valls pour défendre la loi.
Même si
l'examen de la loi a été reporté sine die (un effet du lobbying du
Medef?), l'inquiétude reste patente dans les milieux patronaux : "Que cherche t'on? A faire fuir les forces vives? Ce retour à la punition collective, au tout sécuritaire est très inquiétant
". Une angoisse renforcée par les amendements déposés par certains
députés UMP, et notamment celui du bolchévique Christian Vanneste*, qui
prévoit de créer un délit de harcèlement social : «
Art. 222-18-3. – Aucune personne ne doit subir des agissements répétés
de harcèlement social qui ont pour objet ou pour effet une dégradation
des conditions de vie susceptibles de porter atteinte à ses droits ou
sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale.
Le harcèlement social qui se manifeste par toute menace et toute
intimidation réitérées de manière à porter atteinte à la jouissance
réelle de ses droits par une personne est puni d’un an de prison et de
15 000 euros d’amende. ». A la lecture de l'amendement, Laurence Parisot a cru s'étrangler : "Mais que connaît cet homme au monde de l'entreprise? Ce qu'il appelle harcèlement social c'est tout simplement du management!".
Mais
les jérémiades des voyous du Medef risquent de rester lettre morte. Car
au-delà de la loi anti-bandes, c'est tout le logiciel sécuritaire de la
droite qui semble bouleversé, comme en témoigne le discours de Nicolas Sarkozy du 28 mai. Un discours qui sonne comme une déclaration de guerre aux rentiers et autres actionnaires : «Des
gens qui n'ont jamais travaillé de leur vie et qui pilotent des grosses
voitures doivent répondre devant les services fiscaux, qui doivent
pouvoir engager des poursuites pénales.» Cette volonté du président de s'attaquer à l'oisiveté et aux " signes extérieurs de richesse indue» peut
surprendre de la part d'un amateur de Rolex et de vacances indécentes.
Mais, face à la crise, il faut souligner le courage de notre président
de se battre contre son milieu, contre ses amis, contre sa femme. Car
comme il l'a rappelé : «La délinquance ne procède que très rarement
de la souffrance sociale, mais simplement de l’attrait de l’argent
facile. Ne vous laissez pas intimider par la dictature des bons
sentiments». Et une pierre dans le jardin du Medef.
La
nouvelle doctrine sécuritaire de la droite ne s'applique pas qu'aux
seuls patrons. Elle n'hésite pas à s'attaquer à son habituelle
clientèle politique. Ainsi, la volonté du président de "sanctuariser les établissements scolaires", en les mettant "à l'abri de toute violence",
marque un changement de cap dans la politique éducative du
gouvernement. Et résonne comme un désaveu pour Xavier Darcos.
Multipliant depuis deux ans les suppressions de poste (avec une
dernière annonce à 16 000), l'ex ministre de l'éducation nationale se retrouve sous la menace d'une sanction pénale d'autant plus forte, que «les violences commises sur un agent de l'éducation constitueront une circonstance aggravante».
Difficile de ne pas voir derrière un texte qui étend le délit
de participation délictueuse à un attroupement en étant porteur d'une
arme (3 à 5 années de prison et amende de 45.000 à 75.000 euros) à la
personne qui, sans être porteuse d'une arme, participe volontairement à
un attroupement où une ou plusieurs personnes portent des armes de
manière apparente, la volonté de mettre fin à la terreur que font
régner les chasseurs dans les campagnes françaises. De même, lorsque
Nicolas Sarkozy déclare qu'«aucune rue, aucune cave, aucune cage d’escalier ne doit être abandonné aux voyous. Je souhaite une présence massive de la police dans ces quartiers et la multiplication des opérations coups de poings", il cible clairement les restaurateurs qui squattent l'espace public avec leurs terrasses et autres plages privées illégales.
Le
gouvernement a donc décréter la fin de l'impunité qui ronge notre pays.
Et sans doute faut-il deviner derrière son projet d'interdiction du
voile intégral, la volonté de pénaliser ceux, politiques et
journalistes, qui dissimulent derrière des écrans de fumée sécuritaire,
les conséquences sociales de leurs actes. Ou qui tirent des voiles
pudiques sur les magouilles pakistanaises du président à talonnettes.
*L'auteur de la brillante saillie : « L’homosexualité
est une menace pour la survie de l’humanité […]. Je n’ai pas dit que
l’homosexualité était dangereuse. J’ai dit qu’elle était inférieure à
l’hétérosexualité. Si on la poussait à l’universel, ce serait dangereux
pour l’humanité […]. Pour moi leur comportement est un comportement
sectaire. Je critique les comportements, je dis qu’ils sont inférieurs
moralement […] »