Denis Olivennes chahuté par ses journalistes
Par Le Point le 2 juillet 2009
Les journalistes du
Nouvel Observateur grognent. Leurs
patrons, Denis Olivennes et son adjoint Michel Labro, leur ont réservé
une surprise qu'ils n'ont guère appréciée : dimanche, dans un mail
adressé à sa rédaction, Olivennes leur annonça fièrement qu'il avait
décroché un entretien avec le chef de l'État. Un joli coup, non ? Sauf
que la rédaction, et notamment le service politique, a été mise devant
le fait accompli et tenue à l'écart de toute concertation. Imaginez, en
somme, que le président de RTL (sans carte de presse) décide
d'interviewer en catimini le chef de l'État sans en avertir Jean-Michel
Apathie... La tête d'Apathie.
La société des rédacteurs du
Nouvel Obs
, exprimant l'avis assez partagé des rédacteurs de l'hebdomadaire,
s'est fendue d'un communiqué mesuré posant les bonnes questions :
"Pourquoi ne pas avoir consulté les journalistes qui suivent les
dossiers politiques et économiques couverts lors de l'entretien ? Et
pourquoi ne pas les avoir associés à la discussion ? Serait-ce pour
resserrer des liens avec le président, comme beaucoup le pensent au
sein de la rédaction ?" On prête à Denis Olivennes de nombreuses
ambitions, dont celle d'obtenir la succession de Patrick de Carolis à
la présidence de France Télévisions. De manière à peine voilée, ses
journalistes le soupçonnent de se servir du journal pour se placer...
Ambiance.
La crainte d'"une dérive sarkophile"
Les rédacteurs du
Nouvel Obs
soulignent, en outre, que "la publication de cette interview donne lieu
à une deuxième couverture d'affilée consacrée au président de la
République. Elle fait craindre une dérive 'sarkophile' qui nous a été
reprochée par de nombreux lecteurs et ne cadre guère avec l'engagement
du Nouvel Observateur , 'journal de gauche et d'opposition',
comme l'a rappelé le propriétaire du journal Claude Perdriel, mercredi
dernier, sur France Inter. Pourquoi ne pas avoir attendu une dizaine de
jours avant de la réaliser comme cela était proposé par le conseiller
de Sarkozy (Franck Louvrier, NDLR) ? Un tel délai aurait permis un
travail plus collectif, une contre-enquête effective sur les
déclarations présidentielles et une plus grande variété des
couvertures."
Denis Olivennes a essuyé une bronca du diable lors
de la conférence de rédaction qui a suivi. Discussions vives et
échanges musclés. Parmi les plus en vrille, Jérôme Garcin, le chef du
service culture. Il ne s'est pas privé de rouspéter alors qu'il
poussait, lui, pour que le Nouvel Obs
consacre sa Une, cette semaine, au décès de Michael Jackson plutôt qu'au chef de l'État.
PS et UMP s'en mêlent
Pire ! Voilà que les hommes politiques se mêlent au débat de la rédaction du
Nouvel Obs
. Le député PS, Claude Bartolonne, tire le premier sur RTL. "J'ai eu surtout mal à mon
Nouvel Observateur
ce matin plutôt que je n'ai été surpris par le plan de com' de Nicolas
Sarkozy", lâche-t-il comme une torpille dirigée sur Denis Olivennes. Au
point que Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP, s'est senti obligé
de répliquer en prenant la défense du journal (pourtant peu câlin avec
son champion). " Le Nouvel Observateur n'a fait que son travail", estime
Paillé qui dénonce la manière insidieuse et injuste dont Bartolonne met
en cause "l'indépendance des médias".
Les rédacteurs du journal tiendront une assemblée générale vendredi pour tirer les leçons de cet épisode.