Par Régis Soubrouillard, Marianne 2 , le 15 juillet 2009
Chacun son domaine réservé. Après l'excellent travail de cirage de pompes présidentielles effectué par le service public,
France 5 en l'occurrence, qui lundi soir proposait une
émission-portrait en forme de prise de dimension historique sur fond de
politique étrangère, TF1 se devait de montrer, en ces temps difficiles
de quoi elle était capable.
Pour ce faire, en ce 14 juillet la
chaîne leader a sorti l'artillerie lourde, à savoir notre Jean-Claude
Narcy national. A lui seul, JCN, que la chaîne ne sort que pour les
grandes occasions a de quoi donner du fil à retordre aux Malard et
Vaillot, les deux cerveaux aux commandes de la propagande de France 5.
C'est
que le responsable des opérations spéciales de la Une a ses entrées à
l'Elysée et entend bien le faire savoir. Ayant obtenu une visite privée
des bureaux de l'Elysée et une interview exclusive -une de plus...- de
la dixit « first lady », il remercie d'emblée « son ami Pierre Charon ».
C'est bien le moins entre gens bien élevés. Conseiller de Nicolas
Sarkozy et de Carla, Pierre Charon est le trait d’union de Sarko avec
les milieux du showbiz et des médias et toutes les demandes d'interview
de Carla passent par lui.
«Je vous appelle Jean-Claude ? »
Hormis quelques soucis techniques, la première partie du reportage de
JCN embedded à l'Elysée se passe sans encombres. Claude Guéant prend
les choses en main, emmène son hôte dans son bureau. Questions
rituelles de JCN: « Vous avez beaucoup de téléphones, lequel est celui qui vous relie directement au président ? »
- « On dit que c'est vous êtes le véritable premier ministre bis? ».
- « Envisagez-vous de vous lancer en politique comme l'a fait Dominique de Villepin? ».
La réponse est négative et la seule évocation de Villepin fait tiquer
le secrétaire général de l'Elysée. Ok. Passons dans le « saint des
saints », le bureau du président. C'est grand, c'est beau. On apprend
qu'il n'y a plus de boites de chocolats, Nicolas Sarkozy n'en mangerait
plus. Mais Narcy est pressé, l'homme a une mission à accomplir: servir
la soupe à la première Dame qui l'attend dans son bureau.
Encore quelques soucis techniques, JCN et Carla ne savent pas qu'ils sont à l'antenne; « Je vous appelle Jean-Claude ? » questionne Carla, candide, avant de lâcher: « C'est beau la lumière, on a de la chance avec le temps
». Suit un magnifique sifflement. Point de fioritures ici, encore moins
de relations internationales. TF1 est sur son terrain de prédilection:
la peopolitique.
Une salve de publireportages à la gloire du président
Arrive donc « la cerise sur le gâteau » comme le qualifiera
quelques minutes tard Jean-Pierre Pernaut, l'entretien avec Carla. Un
grand moment de télévision. On apprend entre autres que Carla Bruni,
qui minaude à peine, a appris La Marseillaise toute seule, comme une
grande, qu'elle peut avoir le président directement au téléphone - « Non ! avec ce grand téléphone là ?! » lâche Narcy, ébahi-. Un téléphone tellement simple d'utilisation « qu'il suffit de décrocher »
répond Carla. Dingue ! Côté travail, Carla ne chante pas, et ne joue
pas de guitare à l'Elysée. Trop de travail justement. Dans le détail,
on ne saura pas.
La première Dame emmène le responsable des
opérations spéciales de TF1 dans ses jardins privés. Evoquant la
personnalité du président, une véritable complicité s'installe entre
Jean-Claude et Carla. Le premier finit sans hésiter les phrases de son
interlocutrice, comme un dialogue écrit à l'avance:
- « Il parcourt le monde en permanence, on dit de lui que c'est un homme un peu pressé. Est-ce que vous le calmez? »
- « On
se calme mutuellement. Le bonheur est quelque chose qui apaise. Ce
n'est pas un homme pressé, il est habité par une obsession qui est de
servir notre pays et d'aller au bout de ses promesses ». JCN qui boit les paroles de la première en aurait bien repris un peu mais déjà il faut se quitter.
Carla tient quand même à revenir sur « le magnifique, vraiment magnifique défilé militaire que nous avons eus». Tel Sun Tzu, la voici philosophant sur l'art de la guerre: «
C'est magnifique que tous ces hommes, toutes ces armes, tous ces
avions, soient au service de la paix car désormais l'armée nous protège
de la guerre ».
Narcy acquiesce: « c'est sur cette réflexion sur l'armée et sur votre sourire que nous allons nous quitter ».
Un entretien que Jean-Pierre Pernaut qualifiera avec la retenue qu'on lui connaît d'« assez magique ».
Le président n'en demandait pas tant. Pour sûr qu'en matière de
communication, l'exercice sarkozyste relève de la prestidigitation. Un
entretien sur les armées françaises - mais aussi le vélo- mené par le
féroce et grand spécialiste des questions de défense Michel Drucker
avait encore lieu mardi soir sur France 2 dans le cadre d'une émission
quasiment co-réalisée avec l'armée de terre. Outre une interview du
Président, les télespectateurs ont pu découvrir la visite de Liane
Folly au Cenzub (Centre d'entrainement des unités urbaines), l'arrivée
de Guy Marchand en parachute, le reportage de Bixente Lizarazu au sein
des forces spéciales, celui de Gérard Darmon en Afghanistan, Michel
Drucker au centre de planification et de conduite des opérations.
Enfin, le raid d'Arielle Dombasle au Tchad. On ne rit pas...
Le
président a renoncé au traditionnel entretien du 14 juillet. En
quelques jours, c'est une véritable salve de documentaires
hagiographiques, interviews complaisantes, publi-reportages
sarkozystes mis en scène par une Audiovisuelle au garde à vous qui
s'est abattue sur nos écrans télés. De quoi redonner du baume au coeur
du chef de l'Etat avant de prendre ses quartiers d'été.